La revue Modes Pratiques sort son quatrième numéro. Ce numéro s’interroge aux liens émotionnels qui nous attachent à certains vêtements, et à la façon dont certains vêtements nous influencent.
Vous trouverez plus d’informations ici (sommaire, commande). Et ci-dessous, vous trouverez le résumé du numéro.
Comment j’ai porté certains de mes vêtements et vice-versa.
1911. Charles Gondoin est sociétaire du Racing, et Jordan du Stade français, l’autre grand club de football de l’Ouest parisien. Ils n’apprécient guère ces joueurs m’as-tu-vu qui retroussent les manches (longues) de leur maillot pour « exhiber ridiculement et en dehors de toute nécessité » la musculature de leurs bras. Vulgaire.
1954-1955. Marguerite Sirvins, 65 ans, internée depuis plus de vingt ans pour schizophrénie, confectionne, à partir de fils et de draps de rebut, la « robe » de ses rêves : la robe de la mariée qu’elle ne sera jamais.
20 février 1520. Augsbourg. Matthäus Schwarz, 23 ans, bourgeois aisé, rédige et dessine le premier feuillet de la grande affaire de sa vie : se raconter par ses habits. 40 ans et 71 feuillets plus tard, le 15 septembre 1560, il y met un point final. À ce dingue de la fringue, il reste encore une quinzaine d’années à vivre.
1943-1944. Dans le ghetto de Lodz en Pologne, Rachel Cytron – 17-18 ans – survit en cousant des nappes. Payée en portions de pain, elle les revend, quignon par quignon, pour s’acheter les morceaux de tissu dont elle fera son manteau pour l’hiver.
À Auschwitz, il lui sauvera la vie.
Été 1836. Juliette Drouet, maîtresse de Victor Hugo, retire du mont-de-piété une robe en mousseline blanche qu’elle a laissée en gage. Avec sa couturière, elle en fait la robe de communiante de Léopoldine, la fille aînée du poète. « Une très jolie robe avec laquelle (Didine) pourra faire la belle à l’église », écrit-elle à son Toto.
Vêtements sauveurs, compagnons, fétiches, secrets, masques, miroirs, maisons, médiums, reliques, tremplins… On le devine à ces micro-récits, le numéro 4 de Modes pratiques explore les relations intimes et « extimes » que nous entretenons avec nos vêtements et eux avec nous. La zone est mal connue. Pourtant le sujet parle à tout le monde et fait parler (presque) tout le monde : expériences matérielles, sensorielles, émotionnelles, sentimentales, identitaires, toujours incarnées, uniques.
Ce numéro est né d’une petite utopie : suivre à la trace ces liens, faire entendre leurs résonnances, faire vibrer les affections qui les traversent. Comment nous nous attachons à des vêtements comme à des extensions, des intentions de nous-mêmes, mais aussi comment eux s’attachent à nous, comment ils nous affectent, nous parlent à voix basse, agissent sur nous. Qui des deux porte l’autre?