Appel à communications
Angoulême (CIBDI)
les 9 et 10 novembre 2021
La parure du corps
Le vêtement, jadis appelé la « vêture », n’a pas pour première fonction de se protéger des intempéries. Il atteste son appartenance à un groupe, un milieu, une catégorie sociale, culturelle ou professionnelle. Il est aussi une manière de s’en distinguer. Le vêtement est donc la parure du corps. Au début du XXe siècle, un dictionnaire définit la taille comme « la conformation du corps par rapport aux vêtements ». Plus une société est hiérarchisée et rigide et plus le vêtement constitue un langage. Il est également possible d’établir une topologie corporelle consistant à se demander quelles sont les parties du corps qui sont recouvertes par un tissu, une étoffe et quelles sont celles qui sont dissimulées. S’il est indéniable que depuis des siècles les vêtements ont modelé les corps, il n’en est pas moins vrai que le corps joue avec les vêtements. Reste à se demander quelle place et quel rôle jouent les vêtements dans la bande dessinée.
Les principales pistes, qui ne prétendent pas être exhaustives, sont les suivantes :
– Nul doute que les rôles masculins et féminins se trouvent accentués dans les récits graphiques. Des toilettes resplendissantes voisinent avec tenues déshabillées. Les formes et les couleurs sont des expressions de la sensibilité des auteurs, d’une époque, d’un contexte et d’un imaginaire.
– Le vêtement dans le 9e art permet d’identifier immédiatement un personnage. Les plus célèbres d’abord : Bécassine, Corto Maltese, Tintin ou Astérix sont immédiatement reconnus. Il atteste sans ambiguïté de l’appartenance à une période figée dans le passé, à une catégorie régionale, voire à une classe sociale, que l’on songe aux clubs fréquentés par Blake et Mortimer. Le corps des foules au moment de la Révolution française, de la Commune ou de la Libération doit être distingué et donner l’impression d’être avéré.
– Dans la bande dessinée dite patrimoniale des vêtements permettent de repérer instantanément les personnages. Gaston Lagaffe a toujours un pull vert à col roulé ; Achille Talon porte une veste bleue et un gilet jaune, Mortimer un nœud papillon vert le plus souvent. Dans les albums de Fred, Philémon arbore un pull-over à rayures horizontales bleues et blanches et Monsieur Barthélémy est habillé entièrement en vert, du pompon du bonnet aux chaussures.
– Le vêtement, en particulier dans les bandes dessinées dites historiques ou documentaires pose la question de la véracité. En effet, lorsque l’action se passe au Moyen Âge qui dure un millénaire, il n’est pas rare que les habits portés ne correspondent pas à la séquence temporelle. Des personnages sont recouverts d’un vêtement du XIIe siècle alors qu’ils évoluent deux siècles plus tôt. Dans les westerns, les récits de pirates, ou encore les adaptations de sagas nordiques, la crédibilité des personnages, de leurs allures, de leur gestuelle dans un vêtement attendu, contribue à l’adhésion du lectorat et façonne aussi son imaginaire.
– Le costume trois pièces, la blouse paysanne, le sari indien, la djellaba d’Afrique du Nord autorisent de fixer des personnages, parfois stéréotypés, une ambiance, un cadre géographique, des personnages.
– La mode vestimentaire s’avère très présente dans les planches proposées aux lectrices et aux lecteurs. Il conviendrait de la suivre et de l’analyser. En 2021 une exposition avait proposé une histoire de la mode en bande dessinée. Il importe de reprendre le dossier.
– Les contre-cultures, les cultures subalternes, avec leurs chapelles, clans, gangs ou clubs ont développé tout un vestiaire complexe selon les courants, les tendances, les modes éphémères ou durables. La bande dessinée joue dans son discours réaliste ou dans la stylisation de ses véritables tropes vestimentaires devenus des objets de reconnaissances et d’adhésions, mais aussi de panoplies et de parodies. Punks, mods, yéyés, rappeurs, motards, blousons noirs, hispter et métalleux, geeks, bobos ou parisiennes à la Jacques Faisan et autres tribus ou niches sociales offrent un nuancier large et hautement significatif.
– Le courant de plus en plus productif de la biographie en bande dessinée use beaucoup d’identificateurs visuels de ses personnages passant par des styles vestimentaires ou des objets privilégiés qui plus encore que le réalisme du visage ou du corps participent à l’expression du récit de vie : Leonard Cohen, Anaïs Nin, Robert Johnson, Pablo, Elvis, Hemingway, mais aussi Léon Blum ou le général de Gaulle. Le vêtement en biographie a-t-il un statut analogue à celui de n’importe quel autre type de personnage fictionnel (Corto, Tintin, Blueberry ?)
– Les bandes dessinées relevant du fantastique ou de l’anticipation se projettent dans l’avenir, invente des corps nouveaux, des êtres inconnus qui sont parfois habillés. Il convient également d’imaginer, pour les êtres humains, les vêtements du futur.
Colloque organisé par la MSHS de Poitiers, avec la collaboration de la CIBDI, de Magellis, de l’EESI, du CRIHAM, du FORELLIS et du Réseau de Recherche Régionale en Nouvelle Aquitaine sur la bande dessinée.
Les propositions de communications (1000-1500 signes) et une courte notice bio-biblio (300-500 signes) sont à adresser, avant le 30 mai 2021, à Frédéric Chauvaud frederic.chauvaud@univ-
Les organisateurs prennent en charge les nuitées, les repas, les frais d’inscription et la publication des actes sous la forme d’un véritable livre.